Pourquoi le nucléaire se développe-t-il toujours?

1) L'importance de l'énergie nucléaire

          A) Mise au point: nucléaire civil et nucléaire militaire

     Le nucléaire civil et le nucléaire militaire sont différents, même s'ils reposent sur la même base. Alors que le nucléaire civil sert à créer de l'électricité, le nucléaire civil a pour but de créer des armes nucléaires telles que la bombe A ou la bombe H. Le nucléaire militaire donne lieu à des essais nucléaires controversés et problématiques.
     Cependant, nous allons seulement nous intéresser au nucléaire civil, car la centrale de Tchernobyl était une centrale nucléaire civile.


          B) Les intérêts de l'énergie nucléaire

     L'énergie nucléaire ne s'est jamais aussi bien portée qu’aujourd’hui. Elle a aujourd’hui une production de 374.690 GW, ce qui représente 14% de la production totale d’énergie dans le monde. Le parc nucléaire français, à titre d’exemple, comprend aujourd'hui 58 réacteurs à eau pressurisée installés sur 19 sites représentant une puissance électrique de 62 950 MW et un réacteur à neutrons rapides de 233 MW ainsi qu’un réacteur à fusion nucléaire au stade expérimental, ce qui représente 78% de la production d’énergie du pays. Cette immense puissance énergétique est le fruit de la grande croissance qu’a connu le nucléaire dans la deuxième moitié du XXe siècle où sa capacité est passée de 1 Gigawatt (GW) en 1960 à 300 GW à la fin des années 1980. Malgré une baisse sensible de la croissance de l’énergie nucléaire dans les années 1990 à la suite des accidents de Three Miles Island (1979) et de Tchernobyl (1986), la production mondiale ne régresse pas et stagne à 1366 GW en 2005. Ce phénomène témoignant de la confiance apportée à l’énergie nucléaire par les Etats et les populations s’explique d’une part par l’importance économique et la grande rentabilité du nucléaire et d’autre part par l’amélioration constante des normes de sécurité du nucléaire.


      Lorsqu’il s’agit de mettre en avant les intérêts du nucléaire le premier des arguments consiste à rappeler que « la diversification, la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et le développement technologique sont les piliers de toute politique énergétique qui vise à fournir au marché suffisamment d'énergie à un coût raisonnable et de manière durable. »1, rappelant ainsi que le nucléaire permet de ne pas gaspiller certaines énergies fossiles comme le charbon et le pétrole, que son approvisionnement, grandement assuré par des pays comme le Niger, malgré les problèmes qu’ils apportent à ce dernier4, sont bien plus contrôlables et d’origines plus variées que le pétrole et le quasi-monopole des pays du Moyen-Orient, qui a eu par le passé des conséquences politiques graves lors des grands pics pétroliers. L’énergie nucléaire a ainsi su se différencier et s’attirer les grâces des pouvoirs qui souhaitaient se libérer de l’influence du pétrole, ce qui a mené l’énergie nucléaire à devenir la principale alternative au pétrole, loin devant le charbon. Ce statut d’énergie viable pouvant se substituer au pétrole, qui n’existera plus d’ici cinquante ans, a donné une importance phénoménale à l’énergie nucléaire et va certainement lui en donner encore bien d’avantage dans les cinquante prochaines années. En effet, "toutes les prévisions de la demande mondiale d'énergie à un horizon de cinquante ans s'accordent sur une très forte augmentation par rapport à la consommation actuelle. Cette demande sera alimentée essentiellement par les régions du monde qui ont aujourd'hui une consommation d'énergie relativement faible par rapport à celle des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui s'intègrent de plus en plus dans l'économie mondiale."


          C) En bref: avantages et inconvénients


     Voici un tableau récapitulatif des avantages et des inconvénients de la production d'énergie nucléaire :

(Cliquez pour agrandir)

          D) Un complot général :

     Paul Fusco, photographe américain et auteur des photographies des enfants du II, dénonce la lâcheté des éditeurs rédacteurs de magazines : "On trouvait mes photos "terrifiantes" à chaque fois que je les présentais dans les rédactions, j'entendais : " fantastiques photos ! mais je ne les montrerai pas à mes lecteurs. " Personne n'en voulait. Pour moi, ce sont des lâches, irresponsables envers leurs lecteurs. Il faut connaître les dangers de la puissance nucléaire. Dans le milieu de la recherche médicale, tout le monde sait à quel point c'est dangereux !" et même le gouvernement américain : "Le gouvernement américain a menti pendant 50 ans sur les effets des radiations aux Etats-Unis et ce parce que l'énergie nucléaire représente un grand business !"
     Voilà la vraie raison de ce complot général : "le busisness" En France, les principaux exploitants du parc de réacteurs français sont EDF et Areva qui font plus de 4.5 milliards d'euros de chiffre d'affaire à eux 2 seules avec plus de 60 réacteurs en leur possession. Preuves que ces 2 entreprises sont majeures : Les 2 entreprises sont cotées au CAC 40.
     Un des problèmes qui pousse les investisseurs à construire des centrales nucléaires plutôt que d'autres types de centrales est que le kilowatt heure produit est beaucoup moins cher.



2) Le débat qu'a lancé Tchernobyl

     La catastrophe de Tchernobyl est la pire catastrophe de l’histoire du nucléaire. De par son caractère tragique et traumatisant, elle a constitué un frein sûr à la production d’énergie nucléaire. Ainsi la quantité d’énergie nucléaire produite chaque année a connu un tournant définitif au début des années 1990 où elle est passé d’une croissance de 20 Gigawatts par an à une croissance inférieure à 3 GW/an et les deux tiers des commandes de centrales nucléaires passées dans les années 1970 ont été annulées.

     De plus, des associations se mettent en place partout dans le monde, contre le nucléaire, ou pour la révision ddu nucléaire tels que la Criiad ou le réseau sortirdunucléaire en France.

3) Le nucléaire aujourd'hui

          A) La "réforme" du nucléaire

     Cette catastrophe a également permis de prendre en compte certains paramètres de sûreté ignorés jusqu’alors. Ainsi, la culture de sûreté du nucléaire est une conséquence directe de l’accident de Tchernobyl et a permis au monde de prendre conscience de l’importance de la responsabilité du personnel et des supérieurs hiérarchiques vis-à-vis de la sécurité des installations et des manœuvre effectuées, on a donc inventé à la suite de cette catastrophe la notion de culture de sureté, correspondant à « l’ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organisations et chez des individus, font que les questions relatives à la sureté des centrales nucléaires bénéficient, en priorité, de l’attention qu’elles méritent en raison de leur importance », sa concrétisation dans les centrales d’énergie nucléaire est un concept assez complexe qui, en retour, a un impact important et direct sur la gestion des employés de la centrale et permet efficacement d’éviter l’incompréhension et la négligence face aux normes de sûreté des centrales. Outre cette notion de culture de sûreté, la sûreté de l’énergie nucléaire s’est beaucoup améliorée depuis l’époque de Tchernobyl. Il existe de nombreuses raisons à ces améliorations, nous allons voir lesquelles plus en détail. La première d’entre elle est l’expérience, par la conséquence logique de la masse d’informations qu’elle véhicule. En effet les opérateurs des centrales nucléaires du monde entier ont eu affaire à des imprévus de tous genres, qu’ils s’agissent de catastrophes aux conséquences mondiales comme Tchernobyl ou de simples pannes de réacteurs, et ces informations ont été mises à contribution au sein de la communauté scientifique, mettant ainsi en en place « Une expérience d'exploitation de plus de 10 000 réacteurs-an pour le monde entier [qui] a permis de recueillir une masse d'informations et de tirer de nombreux enseignements. Ces enseignements sont systématiquement partagés par le biais des banques de données et des rapports des organisations internationales, de revues et de conférences ». Cette amélioration se concrétise notamment par la diminution importante du nombre d’arrêts d’urgences automatiques non programmés dans le monde, qui a été divisé par deux dans les années 1990, comme le montre le graphique suivant.


(Cliquez pour agrandir)


      L’autre amélioration notable de l’énergie du nucléaire se trouve au niveau des installations. En effet, les centrales comme celles de Tchernobyl comprenaient des défauts de conception qui favorisaient les pannes et accidents, et si « depuis l'accident de Tchernobyl, des programmes d'amélioration de la sûreté des réacteurs RBMK ont été entrepris pour remédier aux principales faiblesses techniques repérées. Plusieurs points ont fait l'objet d'inspections et de modifications, des systèmes d'arrêt d'urgence aux systèmes de confinement en passant par les tuyauteries », les autres filières de centrales ont elles aussi connu de nombreuses améliorations. Par exemple, les centrales françaises de deuxième génération ont été conçues afin que les risques d’accident majeurs ne soient pas supérieurs à un accident par million d'années de fonctionnement, et nous utilisons aujourd’hui des centrales de la filière REP* dont les risques sont d’un accident majeur par dix millions d’années de fonctionnement.

Néanmoins, l’académie de droit international de la haye note que « Les principaux apports de la deuxième génération s’expliquent par un phénomène de société, c’est-à-dire par l’influence des changements de mentalité et des revendications de sécurité, que par les besoins d’ajuster le droit aux évènements de la technologie. », ce qui revient à dire que la remise en cause de la sûreté du nucléaire n’est paradoxalement pas la cause directe des catastrophes qu’il a engendré, mais issu de l’organisation de mouvements de contestation plus larges et politiques qui ,bien que eux-mêmes partiellement issus des incertitudes provoquées par le nucléaire, ont souvent un impact plus large et rassemble en conséquence une fourchette de population plus importante. Parmi ces organisations qui s’opposent à l’expansion des projets nucléaires on retrouve la très célèbre Organisation Non Gouvernementale Greenpeace, qui lutte pour le développement durable et la préservation des espèces animales et végétales bien au-delà des limites du nucléaire. On y trouve également des organisations plus politiques, comme Europe-écologie qui lutte pour que les décrets politiques prennent en compte le facteur écologique, et notamment dans le domaine de l’énergie. Par leur grande influence, ces collectifs ont amené de nombreux Etats comme l’Allemagne à renoncer au nucléaire et ont souvent limité l’importance qui lui a été attribuée dans de nombreux autres pays.

          B) Le nucléaire en progrès, mais pas totalement sécurisé




     « L’Europe est passée à deux doigts de la catastrophe nucléaire le 25 juillet 2006 à cause d’un court-circuit qui a provoqué le black-out d’un réacteur à Forsmark en Suède »1 c’est le cri d’alarme poussé par l’organisation Sortir du nucléaire, fédération de 875 associations contre le développement du nucléaire2, par rapport à la sûreté du nucléaire européen contemporain. En effet, le 25 juillet 2006 une panne de courant a entrainé une perte totale du contrôle du réacteur en fusion. Sur les quatre groupes électrogènes de secours, aucun ne s’est mis automatiquement en route comme ils auraient normalement dû le faire et seul deux d’entre eux ont démarré par activation manuelle. Le cœur en surchauffe a fait s’évaporer l’eau du circuit de refroidissement et a entrainé une chute brutale de la pression à un niveau près de 6 fois inférieur à la pression minimale autorisée. « Dans ces conditions l’accident majeur n’est plus qu’une question de minutes » dénonce l’association, les techniciens ayant mis 23 minutes à mettre en route les deux derniers générateurs de secours un ancien responsable et constructeur du premier réacteur admet que "C’est un pur hasard si la fusion du cœur n’a pas eu lieu". Face à cette menace aussi grave d’accident majeur, 3 centrales ont été fermées en Suède pour être sujettes à des inspections de sécurité et l’Allemagne et la Finlande «examinent de près chacun de leurs réacteurs nucléaires». L’association note néanmoins l’absence de réaction française, qui est pourtant le pays le plus attaché au nucléaire (près de 80% de l’énergie produite en France est de source nucléaire), Sortir du nucléaire dénonce la croyance de la France en son « infaillibilité » et remet en cause la sûreté de ses réacteurs, quels raisons auraient-ils d’être meilleurs que ceux développés par les Suédois ? L’association demande la vérification de tous les réacteurs français sur la base du risque encouru lors des pannes de courant et appelle ses partisans à manifester afin d’être entendu par le gouvernement. Le doute et les remises en causes sont toujours bien présents dans le paysage du nucléaire.




     Pour conclure cette partie, le nucléaire a aujourd’hui une importance énergétique majeure acquise grâce à sa grande capacité de production et sa figure d’opposant principal à l’énergie pétrolière. Elle a aussi su convaincre de sa propreté lors de son fonctionnement et de sa grande stabilité, même si les questions du traitement des déchets et des accidents nucléaires portent toujours à débats. En outre l’énergie nucléaire a su montrer une grande capacité à se réformer et à s’améliorer depuis la catastrophe de Tchernobyl, ce qui a redoré son image auprès des Etats. En conséquence, l’énergie nucléaire est aujourd’hui en passe de remplacer l’énergie pétrolière lorsque la ressource de cette dernière sera épuisée. Sa croissance future étant déjà quasiment assurée, nous pouvons donc nous demander comment le nucléaire va continuer à évoluer dans notre futur proche. En effet, d’après l’Organisation de coopération et de développement économique1, "dans les prochaines décennies, il se peut que de nouveaux modèles de réacteurs soient mis en service pour concurrencer les autres moyens de production d'électricité. [...] Quelques-unes de leurs principales caractéristiques de sûreté sont résumées ci-après :
Prise en considération explicite des accidents graves dans le dimensionnement ;
Elimination effective de quelques séquences accidentelles graves grâce à la sûreté intrinsèque ;
Réduction importante, voire suppression d'importants relâchements de radioactivité, même en cas d'accident grave ;
Amélioration de l'opérabilité et de la facilité d'entretien grâce à un recours intensif aux technologies numériques ;
Diminution de la complexité des systèmes et des risques d'erreur humaine." 

     Ainsi, nous pouvons remarquer que malgré les nombreuses améliorations apportées aux centrales nucléaires de puis de nombreuses années, leur sécurité est toujours au centre du débat et tous les moyens sont mis en œuvre afin de continuer à augmenter la sécurité et les améliorations du futur prendront toujours sérieusement compte de l’amélioration de la sécurité des centrales. Cependant, le débat du nucléaire s’ouvre aujourd’hui à d’autres interrogations. De cette manière, le traitement des déchets radioactifs est devenu en quelques années un sujet aussi sinon plus important que le risque de catastrophes dans le rapport du nucléaire à l’écologie et aux générations futures. De plus, on peut aujourd’hui s’interroger sur le devenir de l’opinion publique, car si cette dernière était extrêmement préoccupée par la sécurité nucléaire dans les années suivant les grandes catastrophes des années 1970 et 1980, la population civile se préoccupent plus aujourd’hui de la préservation de l’environnement dans des conditions normales d’utilisation de l’énergie nucléaire et du coût de l’électricité produite que du risque de pannes graves. Or, la diminution du coût de l’électricité nucléaire peut se faire au détriment de la sûreté, comme le note le directeur général de l’AEN (l’Agence de l’OCDE pour l’Energie Nucléaire) "on a vu récemment de plus en plus de marchés de l'électricité s'ouvrir à la concurrence. S'il ne fait guère de doute que la déréglementation améliorera la rentabilité économique de la production d'électricité, son impact sur la sûreté nucléaire mérite discussion." De là nous pouvons nous interroger, allons-nous vers un nouveau Tchernobyl ?


* Réacteurs à Eau Pressurisée, cette filière de réacteurs nucléaires utilise de l'oxyde d'uranium enrichi comme combustible, et est modéré et refroidi par de l'eau ordinaire sous pression. Les REP constituent 60% du parc mondial actuel.