Un désastre humain, écologique et économique

1) Des pertes humaines conséquentes


          A) Les chiffres en général

Les chiffres concernant les pertes humaines sont tous différents selon les sources:

- En 1986 :

     Selon les estimations des experts soviétiques, le nombre de cancers de la thyroïde dû à la catastrophe est proche de 1500. Des conséquences sur l'URSS sont à prévoir, mais elles n'ont pas encore été estimées. Elles devraient être moins grave, mais étant donné le grand nombre d'habitants, le nombre de personnes touchées devrait être proche de celui d'Ukraine.
     Le Docteur J. W. Gofman estime à 475 000 le nombre de morts liés à l'accident, et 475 000 le nombre de cancers non mortels, pour un total de 950 000 de personnes touchées.

- En 1990 :

     La Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) prévoit 125 000 morts dues aux irradiations (valeur officielle).
     La Radiation Effects Research Foundation (RERF), elle, établit le nombre de morts dues aux radiations à 430 000 (valeur maximale admise).
     Le plus alarmant, c'est que des études de mortalités menées sur l'usine nucléaire de Hanford par Manusco, Stewart et Kneale montrent des mortalités 2 à 3 fois plus élevées que la valeur maximale de la RERF, ce qui nous fait admettre que les conséquences sont beaucoup plus graves que les estimations précédentes.
     On estime à 600 000 le nombre de décontaminateurs venu pour décontaminer la zone qui a également été touché par les radiations.
     La CIPR prévoit 7500 décontaminateurs morts des conséquences du nettoyage de la zone.
     La RERPF, quant à elle, prévoit un nombre pratiquement 3 fois plus important : plus de 26000 morts liées à cette décontamination.

- En 1995 :

     L'ex secrétaire générale de l'ONU, Koffi Annan, déclare lors d'une conférence de l'Organisation Mondiale de la Santé, que plus de 11 millions de personnes souffrent des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl (9 millions d'adultes, et plus de 2 millions d'enfants) et que ce n'est que le début. Et selon Martin Friffiths, directeur des affaires humanitaires des États-Unis, c'est un nombre « qui ne fait qu'augmenter ».
     Le département de l'énergie des États-Unis (DOE) estime le nombre de cancers mortels à plus de 25000.
     Le ministre de la santé de l'Ukraine livre que 10% des liquidateurs de son pays étaient déjà invalides. 

- En 2001 : 

     Le ministre de la santé de l'Ukraine déclarait que plus de 30% des décontaminateurs étaient invalides.
     En Russie, le bilan 15 ans après l'accident est de plus de 50 000 invalides et 15 000 morts pour 200 000 russes engagés pour les travaux de liquidation, selon S.I. Ivanov, médecin chef de la Fédération de Russie.
     Les diabètes sucrés ont augmenté d'un quart et les enfants âgés de moins de quatre ans à l'époque de l'accident qui vivaient dans la région ont été très touchés par les cancers de la thyroïde: plus de 66 000 pour les enfants biélorusses seulement.

- Avril 2006 - Rapport définitif de l'ONU :
« 4000 décès parmi les 600 000 personnes les plus exposées. » (ndlr: et non 4000 décès au total.)


           B) Les personnes directement exposées

     Les victimes directes sont les personnes qui étaient présentes sur le site au moment de l'explosion, à savoir environ mille personnes.
     Sur 237 personnes ayant intervenu et ayant été blessés ou irradiés durant les premières heures (pompiers, ou personnels de sécurité), 28 ont succombé dans les deux mois qui ont suivi l'explosion, à la suite d'un syndrome aigu d'irradiation, conséquences directes des radiations (souvent associé à des brûlures cutanées étendues). 19 autres sont morts, entre 1987 et 2004, mais pour d'autres causes pas toujours liées aux rayonnements.
     Sur 600 sauveteurs ayant reçu des doses élevées de radiations, 134  ont été hospitalisés pour des syndromes d'irradiation.


 
           C) Le cas des liquidateurs

     On parle souvent de 600 000 liquidateurs. Mais les membres des équipes d'interventions n'ont été en réalité que 200 000. Le reste désigne les autres personnes considérées comme les plus exposées: les 116 000 personnes évacués dans les jours qui ont suivi l'accident, et les 270 000 personnes évacuées trois mois plus tard. Ainsi, entre ces trois groupes, la dose de radiations reçue diffère, et est difficile à reconstituer.
     Nous allons donc nous intéresser à ces 200 000 membres des équipes d'interventions. Dans les deux ans qui ont suivi l'accident, ces travailleurs se sont suivis pour procéder au nettoyage et à la sécurisation (dans la mesure du possible) du site. L'OMS estime que l'excès de décès entraîné par l'exposition toucherait au total environ 2200 individus, en dehors de ceux qui mourront plus tard d'un cancer « spontané », nombre estimé à environ 41 500, et ceux qui mourront d'une leucémie, à savoir environ 800 personnes. ces décès n'ont pas de relation directe avec l'accident de Tchernobyl.
     Dans ces 200 000 personnes, certains groupes ont été mieux suivis que d'autres, comme les liquidateurs « volontaires » Russes ( voir Partie II, 1) ), au nombre de 61 000, avec 230 décès attribuables à l'accident jusqu'en 1998, toutes origines confondues.

     Pour illustrer les constatations sur les liquidateurs, voici un tableau comparant les taux de différents cancers chez les liquidateurs biélorusses (exposés plus ou moins 30 jours) et chez les habitants de la Biélorussie.



(Cliquez pour agrandir)


     On voit que les liquidateurs longuement exposés présentent plus de cancers que les liquidateurs exposés moins de 30 jours, qui eux mêmes ont plus de cancers que les Biélorusses. On voit donc que le temps d'exposition joue un rôle dans l'apparition des cancers et autres anomalies.






     Pour conclure cette partie, on ne doit pas oublier les cancers non-mortels, ou non décelés, ainsi que les enfants des personnes irradiées qui risquent de mourir à cause de malformations diverses. Mais le nuage n'a pas seulement contaminé les humains, il a aussi mis à mal l'écosystème.



2) Un système écologique détruit

La nature reprend ses droits, au milieu des radiations...

          A) Conséquences sur la faune

     Plus de vingt ans après la catastrophe, en 2009, le Centre Nation de Recherche Scientifique (CNRS), organisme français, mène une étude sur les animaux de Tchernobyl (ils sont les premiers à faire une telle recherche), et découvre que les animaux sont moins présents dans la zone contaminée que dans des zones non-contaminées.
     En effet, ces découvertes ont remis en question des précédents suggestions qui disaient que les populations animales avaient été rétablies dans la zone où la population a été évacuée. les chercheurs du CNRS ont donc comparé le nombre d'animaux dans les zones non contaminées, et celui dans les sites contaminées par Tchernobyl. Anders Moller, chercheyr à la CNRS a indiqué: « Il y a des zones où il y a plus de 100 animaux par mètre carré et il y a d’autres zones qui comptent moins d’un spécimen par mètre carré en moyenne, et c’est la même chose pour tous les groupes d’espèces ». Il finit par dire: « Nous voulions nous poser la question suivante : y a-t-il plus ou moins d’animaux dans les zones contaminées? Et très clairement, ils sont moins nombreux dans ces zones ».
     Les chercheurs ont en outre découvert que les animaux vivant près de la centrale présentaient souvent des difformités et anomalies (comme des décolorations ou des membres rabougris).


http://www.actualites-news-environnement.com/19947-animaux-Tchernobyl.html

          B) Conséquences sur la flore

     Réglementation avec dose maximale de radiations autorisées.« 25 ans après l’accident, il faut savoir que, dans des territoires pourtant très éloignés de Tchernobyl mais qui ont été fortement touchés par le nuage, il y a encore des animaux qu’il est interdit de consommer et de commercialiser car ils sont trop contaminés. C’est le cas du mouton d’Ecosse, du rennes de Laponie ou encore du sanglier de Bavière », rapporte Roland Desbordes, président de la criirad (Comission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité) . Les conséquences de l'explosion se font encore ressentir aujourd'hui alors que plus d'un quart de siècle nous sépare de l'accident.

     Radioactivité de denrées alimentaires de bases produites dans les régions proches de Tchernobyl:


     Pour donner une idée de ces chiffres, la radioactivité naturelle d'un artichaut est de 300 bq/kg. Une scintigraphie thyroïdienne est de 37 millions de bq. Ce qui fait poser une question sur la question de la radioactivité des aliments. Tous les aliments ingérés sont donc tous d'un faible niveau de radiation. Les champignons sont les aliments qui sont les plus radioactifs aujourd'hui encore (plusieurs centaines de milliers de becquerels) car ce sont des aliments trouvés dans la nature et très peu exportés.
 

3) Une économie anéantie
 

     Plusieurs choses sont à prendre en compte pour évaluer les coûts réels :
-Les dégâts directs, les réparations, le sarcophage qui entoure le réacteur endommagé, le nettoyage du site, l'enfouissement des déchets, l'évacuation de la ville, la construction d'une autre ville pour loger les habitants et la surveillance de la radioactivité
-Les dépenses indirectes : les indemnités ainsi que les secours aux victimes (soins)
-Les manques à gagner (ou perte sèche) : perte de production agricole, forestière, industrielle (dont la fermeture de la centrale en elle-même)

     La Biélorussie estime le coût total à 235 milliards de dollars sur 30 ans ce qui constitue plus de 20% de son budget en 1991 et encore 6,1 % en 2002.
     L'Ukraine, elle, estime le coût total entre 175 et 200 milliards de dollars soit 25% de son budget à Tchernobyl en 1991 (3,4% aujourd'hui).
     Il faut noter que ces coûts n'incluent pas les pertes humaines et les invalides.

     La Russie n'a pas publié de compte précis.

     Les dépenses additionnées des trois pays les plus touchés excèdent certainement les 500 milliards de dollars et, rapporté au coût de la vie dans l'Union Européenne, cela représente plus de 2 000 milliards d'euros. Pour vous donner une idée, cela représente plus que  le coût de toute l'infrastructure nucléaire mondiale. En outre, les dédommagements représentent surement la plus grande part du coût : 7 millions de personnes reçoivent des indemnités.
Le cout total véritable ne sera donc jamais connu par ces ombres et des pertes non estimables en argent (humaines, écologiques, etc... )


     Cette catastrophe touche donc véritablement tous les domaines, et elle ne se limite pas qu'à ces pertes. En effet, le problème s'étend dans le temps et dans l'espace, et va créer beaucoup de problèmes même des dizaines d'années après l'accident.